» Dans le cadre de ses trois ans de doctorat, Charles-Edouard Tolmer a consacré sa thèse universitaire aux LOD (Level of Detail) notamment pour les projets d’infrastructures. Cela correspond à la définition du niveau de détail de l’information échangée dans les processus BIM. Reposant sur un besoin déjà identifié au sein du groupe Egis, ce travail de recherche a été précisé et développé par l’étudiant au sein de l’entreprise. Une démarche collaborative qui s’est révélée gagnante pour cette dernière… mais pas seulement. Témoignage de ce docteur, désormais en charge du déploiement des processus BIM pour le domaine routes & grands projets chez Egis

Le Blog du BIM : Pourquoi avoir consacré votre thèse au niveau de détail des données BIM ?

Charles-Edouard Tolmer : Mon directeur de master connaissait Christophe Castaing, à l’époque directeur de projet chez Egis et m’a fait part d’un besoin dans ce domaine. Dans la construction et notamment pour les infrastructures, les phases d’échanges ainsi que les objets transmis, leurs attributs et leurs spécificités géométriques sont mal identifiés. Il était nécessaire d’aller plus loin. Par exemple, il faut déterminer en fonction des besoins de chaque acteur, les objets devant être modélisés et à quel niveau de détail. Comment définir ce dernier ? Telle est la question à laquelle il me fallait répondre pour des projets urbains et d’infrastructures.

Le Blog du BIM : Comment fonctionnait votre partenariat avec Egis ?

C-E. T. : La thèse universitaire repose sur un contrat tripartite entre l’université, l’entreprise et le doctorant. J’avais donc un responsable de thèse (professeur des universités) et un référent en entreprise. Nous avons tous œuvré avec un objectif commun. Il est essentiel que l’entreprise ait la volonté de s’engager dans une démarche de recherche, même opérationnelle, sur le long-terme. Dans un univers industriel souvent très rythmé, la thèse incite à prendre le temps de se poser correctement la question, de bien délimiter la problématique à résoudre. Egis a pleinement embrassé cette démarche. Nous avons ainsi pu nous rendre compte que la réponse ne serait pas une solution toute faite qui répondrait à tous les cas de figure, mais plutôt un guide méthodologique permettant de définir le niveau de détail approprié spécifique à chaque projet.

Le Blog du BIM : Votre travail de thèse et les projets de l’entreprise étaient-ils imbriqués ?

C-E. T.: Tout à fait. Durant le développement de mon doctorat, j’ai travaillé au sein d’Egis sur des projets comme la Rocade L2 à Marseille où certains objets devaient être créés, par exemple les dispositifs de sécurité ou panneaux de signalisation. Il était nécessaire d’identifier les besoins en termes de modélisation et de définir le niveau de détail requis en préliminaire. J’ai donc consulté les experts concernés, identifié leurs exigences, formalisé un processus métier jusqu’au niveau de détail des objets à fournir. Ces diverses interactions avec les équipes ont alimenté ma recherche et ont participé à l’élaboration de la méthodologie.

Parce qu’à chaque situation correspondent des besoins de modélisation différents, un même type d’objet (ex: panneau de signalisation) peut être modélisé avec des niveaux de détail différents.

Le Blog du BIM : En quoi votre thèse a-t-elle été un atout pour Egis ?

C-E. T.: La méthodologie développée a été appliquée au sein de l’entreprise dans différents cadres. Pour la modélisation BIM, elle a aidé à définir comment créer un objet de dispositif de retenue (glissière de sécurité), les informations à embarquer, la manière de les stocker pour les échanges. Celle a également permis de formaliser les processus de production que l’on retrouve dans la convention BIM. Il ne s’agit pas d’une solution clé en main, mais d’une méthodologie qui peut être adaptée à chaque cas de figure. Car le BIM repose essentiellement sur des processus humains qu’il faut calibrer et formaliser.

Lorsque j’ai terminé mon mémoire de thèse destiné à l’université et l’ai fait lire à mes collègues d’Egis, ceux-ci y ont de suite retrouvé les problématiques industrielles auxquelles ils faisaient face, et ont pu mieux identifier les enjeux du BIM. Ce travail de thèse représente bien un intérêt concret pour les opérationnels.

Le Blog du BIM : Avez-vous travaillé avec d’autres entités durant votre thèse ?

C-E. T.: Oui, j’ai également été amené à explorer des cas d’usages au sein du projet MINnD. Egis étant très impliqué dans le groupe de travail Infrastructure room de buildingSMART International, j’y suis entré et nos échanges ont alimenté ma thèse et vice-versa.

De plus, depuis la rentrée 2017, nous utilisons dans le groupe de travail sur les spécifications des IFC tunnel, une méthodologie en partie tirée de ma thèse. Elle nous a permis d’identifier plus rapidement les objets dont on avait besoin dans ce cas précis et les niveaux de détail derrière.

Le Blog du BIM : Dans quels autres cadres votre thèse a-t-elle été utilisée ?

C-E. T.: J’ai présenté mon travail lors d’événements tels que le BIM’s Day 2016 et 2017 de buildingSMART France – Mediaconstruct, suscitant des échanges enrichissants.

En outre, en tant que BIM manager Corporatif chez Egis et Expert normalisation pour Syntec Ingénierie, je participe aujourd’hui au travail de normalisation européenne sur la définition des niveaux de détail. Un sous-groupe du groupe de travail CEN TC442 WG2, est entièrement consacré à l’établissement d’une méthodologie visant à définir le niveau de détail d’un « besoin d’information » entre émetteur et récepteur. Dans ce cadre, ma thèse a permis non seulement de remettre l’accent sur l’importance d’identifier les besoins des acteurs et le processus de travail, mais surtout d’aider à définir le langage commun le plus pertinent, leur permettant de décrire de la même manière le niveau d’information attendu.

Même si le sujet d’une thèse peut paraitre théorique, celle-ci a toutefois une portée réelle permettant d’avancer sur des réflexions opérationnelles.

Cet article a été produit par buildingSMART France -Mediaconstruct

 

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