Directeur délégué à la maîtrise d’ouvrage de 3F, un des acteurs clés de l’habitat social, Christophe Lheureux œuvre depuis décembre 2014 à implanter concrètement le BIM dans les métiers du secteur. Son objectif  ? Non seulement utiliser le BIM dans les domaines de la construction et de la réhabilitation, mais surtout dans ceux de la gestion et de l’exploitation du patrimoine. Un enjeu de taille pour 3F qui gère aujourd’hui quelque 230 000 logements répartis sur l’ensemble du territoire français. Témoignage.

Quelle a été votre première démarche pour lancer cet ambitieux projet  ? 
Christophe Lheureux
: Nous avons fait un large tour d’horizon du sujet, nous avons discuté avec nos partenaires architectes, bureaux d’étude, économistes, entreprises… et avons beaucoup échangé entre nous. Nous sommes arrivés à la conclusion que le BIM est riche de promesses pour nos métiers et avons formalisé dans une feuille de route, la façon concrète d’avancer. Trois grandes orientations structurantes ont ainsi été approuvées par la Direction le 1er juillet dernier.

En quoi consistait la première orientation de la feuille de route  ?
C. L. : Au premier semestre 2014, 3F a lancé deux opérations pilotes de construction neuve en BIM, l’une de 93 logements à Grigny en conception-construction, l’autre de 74 logements à Noisy-le-Grand en loi MOP. La première orientation de la feuille de route est de poursuivre ces expérimentations. Chaque semestre seront donc lancées a minima deux opérations en BIM dans des environnements divers. Notre objectif est ici de tester l’utilisation du BIM dans différents cas de figure pour nous forger une conviction partagée de son intérêt et pouvoir ensuite systématiser son usage.

Pourriez-vous donner des exemples d’environnements impliquant des usages différents du BIM  ?
C. L. : Par exemple, avec notre filiale La CLARM spécialisée dans l’accession à la propriété, nous pourrons utiliser la maquette numérique pour produire et remettre à l’acquéreur au moment de la vente, le carnet d’entretien de son logement. Avec notre autre filiale RSF spécialisée dans les résidences thématiques, nous pourrons expérimenter la maquette numérique pour aider à la coproduction du projet entre l’association future gestionnaire de la résidence, le maître d’ouvrage RSF et le maître d’œuvre. C’est une opportunité pour améliorer la qualité d’usage et le fonctionnement de la future résidence. De plus, la maquette pourra être utile par la suite pour la gestion du patrimoine.

Justement, la feuille de route aborde-t-elle la question de la gestion du patrimoine  ?
C. L. : Tout à fait. C’est l’objet des deuxième et troisième orientations. Fin 2014, nous avons terminé la « numérisation » des 100 programmes (environ 800 000 m²) de notre filiale de Seine-et-Marne, la Résidence Urbaine de France. Les données graphiques et techniques sont stockées et gérées dans le logiciel ABYLA développé par LABEO. Ce dernier constitue désormais notre base de données. Le bilan positif de cette opération est à l’origine de la deuxième orientation de la feuille de route. Nous allons en effet déployer ce logiciel dans toutes les sociétés 3F. Vient en parallèle la troisième orientation : travailler à mieux exploiter ces données. Nous souhaitons promouvoir l’utilisation de ce type d’outil dans tous les processus de gestion, afin de valoriser et d’exploiter au maximum les données récoltées.

En quoi le BIM vous semble-t-il important dans le cadre de la gestion de patrimoine ?
C. L. : La maîtrise de notre métier de gestionnaire passe par la connaissance de notre patrimoine dans tous ses aspects et par notre capacité à prendre en compte son évolution au fil de l’eau. De façon plus précise, nous devons être capables de transformer une donnée en information. Prenons l’exemple des contrats d’entretien des toitures terrasses de nos immeubles. Pour les établir, nous avons besoin de connaître le nombre de terrasses et leur superficie. En Seine-et-Marne, en quelques clics nous obtenons la liste des immeubles concernés et les superficies en question. Ailleurs, c’est beaucoup plus compliqué ; nous risquons d’évaluer approximativement et de payer l’entretien de 100m² de toiture alors qu’il n’y en a que 80m². A l’inverse, si certains m² de toiture n’étaient pas pris en compte, ils ne seraient pas entretenus et les terrasses concernées risqueraient donc de se dégrader. Le BIM en tant qu’outil de fiabilisation permet une gestion plus fine du patrimoine, avec en conséquence des effets positifs à la fois sur le plan de la maîtrise des coûts et sur celui de l’amélioration de la qualité.

Selon vous, quel sera l’avenir du BIM au sein des métiers de gestion patrimoniale  ?
C. L. : Aujourd’hui l’environnement BIM n’est pas encore mature. Nombre d’agences que nous avons consultées dans le cadre des opérations pilotes n’avaient pas d’expérience BIM suffisante. Mais le fait que des maîtres d’ouvrage commencent à lancer des opérations –mêmes pilotes – en BIM est un signe fort qui devrait amener les professionnels (tels les architectes) à s’engager dans la démarche. Un jour, nous rendrons obligatoire le BIM pour toutes les opérations que nous lancerons. Les choses évoluent très vite et d’ici cinq ans, horizon de notre feuille de route, nous aurons franchi ensemble, avec nos partenaires, un pas de géant.

Légende photo : Programme B001L, livré en 2003, 48 logements à Serris (77). Copie d’écran du fichier IFC lu avec le logiciel BIM VISION.

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