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Lors du Sommet technique building SMART International de septembre dernier, Ana-Maria Roxin est intervenue sur un sujet incontournable : le web sémantique. Cette maître de conférence en informatique à l’Université de Bourgogne Franche-Comté a mené des recherches sur le sujet avec le Professeur Christophe Nicolle, dans le cadre du Pôle 3 « environnements intelligents » du Laboratoire LE2I (Unité Mixte de Recherche 6306 du CNRS). Elle nous explique en des termes simples ce qu’est exactement le web sémantique (ou le web de données liées) et ses potentielles implications sur notre usage du BIM. Témoignage.

 

Ana-Maria Roxin,
maître de conférence en informatique
à l'Université de Bourgogne Franche-Comté

Vous avez présenté le concept du web des données liées lors du Sommet technique de BSI en Corée. Le sujet a-t-il été bien reçu ?
Ana-Maria Roxin : Ce fut dans le cadre d'une session jointe avec les différentes rooms (Technical, Product, etc.). Nous n’étions que peu d’informaticiens dans la salle, environ 3 sur 50 à main levée. Pourtant, les personnes présentes ont réussi à comprendre l’intérêt du web sémantique sans trop d’efforts. En effet, ils manipulent déjà les concepts avec lesquels nous travaillons, et ont appréhendé par eux-mêmes les avantages qu’ils offraient dans le cadre du BIM. Nous n’avons donc pas eu à défendre le sujet, il a été naturellement bien accueilli.

Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est exactement le web sémantique ?
A-M.R. : Pour expliquer ce qu’est le web sémantique, il faut d’abord rappeler d'où l’on part. Aujourd’hui, lorsque nous utilisons le web, nous créons des données, nous mettons en ligne textes, documents, images, vidéos… Des données que les ordinateurs ne comprennent pas. Ils ne font que les transmettre via le réseau sans en saisir le sens. Ils n’en ont pas les moyens. De cette constatation est née la volonté de Tim Berners-Lee (inventeur du World Wide Web) de créer ce qu’il a appelé le web sémantique.
L’idée ? Fournir aux ordinateurs des éléments supplémentaires qui leur permettent d’appréhender le sens de l’information qu’ils manipulent. Il ne s’agit pas de révolutionner le web, mais d’ajouter des données sur les données existantes. Ces métadonnées précisent à la machine non seulement le sens des informations traitées mais aussi la manière dont elles sont connectées entre elles.
Vous pouvez voir cela comme un large réseau métropolitain. Chaque arrêt de métro correspond à un ensemble de données et les rames aux liens définis entre ceux-ci.

Le web sémantique ressemble un peu à un large réseau métropolitain

Lors de votre intervention, vous avez parlé de Données liées. De quoi s’agit-il ?
A-M.R. : Le web sémantique se compose d’un ensemble de technologies, de standards qui forment une architecture en couches. Cela permet de faire aussi bien des choses très simples que très complexes. Nous sommes notamment en mesure de créer des modèles de connaissances – des ontologies – avec des contraintes logiques.
Les données liées sont un sous-ensemble de cette architecture en couches du web sémantique. Mes interventions à building SMART International sont d’ailleurs centrées sur cette notion.
Il s’agit en quelque sorte d’une version light du web sémantique qui se concentre sur l’interconnexion des ensembles de données présents sur le web. Il s’agit de modéliser le sens des données dans un langage compréhensible par la machine (Ressource Description Framework). Par la suite, il faut implémenter les bonnes pratiques pour connecter, publier et partager les données présentes sur le web, pratiques définies par les principes des données liées.
Prenons un exemple concret. Google fait partie des précurseurs qui fonctionnent sur un système à base de données liées. Ce sont ces dernières qui lui permettent, lorsque vous tapez le mot « coccinelle » d’y associer aussi bien l’insecte que la voiture. De même pour Facebook (qui utilise OpenGraph) qui est capable de vous fournir à la demande les photos de tel ami lors d’un événement précis.

Quels en seraient les avantages dans le cadre du BIM ?
A-M.R. : Dans un contexte BIM, plusieurs approches ont été menées afin de modéliser des vocabulaires avec des langages comme RDF ou OWL tels l’ifcOWL, le BSDD – le dictionnaire de données de building SMART International, ou encore le SSN – Semantic Sensor Network (qui permet de décrire tous les capteurs d’un bâtiment avec leurs propriétés). Le problème est que ces approches ont été menées de manière un peu isolée. Il n’existe pas d’interconnexion formelle entre ces groupes de données.
L'approche des données liées permet de définir des liens entre ces ensembles de données, sans modifier les modèles sous-jacents. Ainsi, on laisserait les données là où elles se trouvent, et l’on pourrait piocher dans chaque pôle les informations dont on aurait besoin et les confronter. Il s’agit d’amener à un niveau supérieur la mise en correspondance d’informations.

Quelles seraient les implications concrètes ?
A-M.R. : Si vous connectez les informations sur le bâtiment (IfcOWL), la climatisation ou le chauffage (BSDD) et les capteurs du bâtiment (SSN), vous êtes à même d’anticiper et d’optimiser au maximum les consommations d’énergies.
Autre cas de figure : l’interconnexion de bases de données peut permettre de valider des scénarios en cas de catastrophe. Les informations sur l’environnement (SIG) vous fournissent les risques de montée des eaux d’une rivière à proximité du bâtiment. Vous y associez les données sur le bâtiment et celles sur le trajet des pompiers et vous êtes à même de prévoir les meilleurs plans d’évacuation.
Dans le cadre de nos recherches, nous avons aussi travaillé à créer des liens entre le format COBie – très utilisé pour sa simplicité – et le format IFC – qui est plus exhaustif. Le fait d’avoir un outil de traduction entre les deux, permet de travailler en COBie, tout en pouvant se référer aux IFC pour s’assurer de la justesse des données. Cela est utile pour les phases de validation, de vérification comme de certification.

Dans quel cadre avez-vous réalisé ces recherches sur le web sémantique et le BIM ?
A-M.R. : Nous avons mené ces recherches dans le cadre du Pôle 3 « Environnement Intelligents » du laboratoire LE2I (Unité Mixte de Recherches 6306 du CNRS). J'ai, d'une part collaboré, avec le Professeur Christophe Nicolle, pour encadrer la thèse de doctorat de l’un de nos étudiants, Tarcisio Mendes de Farias (thèse intitulée « Federated Architecture for Interoperating Ontologies »). Cette thèse a été soutenue avec succès le 3 octobre dernier, puisque l'étudiant a obtenu une mention Très Honorable. Dans ce contexte, nous avons collaboré avec une entreprise dijonnaise – qui est membre de Mediaconstrut – afin de répondre concrètement à leurs contraintes. Car notre recherche se veut ancrée dans des problématiques réelles d’industriels. Nous avons œuvré à ne pas ajouter des couches de complexité mais plutôt à faciliter la vie des praticiens du BIM. Le but était de rester simple afin que nos travaux de recherche soient utilisables par les industriels. Le fait que Tarcisio ait obtenu un poste chez Dassault Systems semble indiquer que nous ayons réussi. D'autre part, je travaille avec Christophe Cruz (maître de conférences HDR, responsable du Pôle 3 "Environnements Intelligents"), sur des problématiques liées à l'interconnexion d'ensembles de données dans un contexte de gestion de catastrophes (deux thèse de doctorat co-encadrées, ainsi que montage d'un consortium international en vue de répondre à un appel à projets H2020). Enfin je collabore aussi avec des équipes à l'international, notamment avec le Dr. Ing. Architecte Pieter Pauwels (de l'Université de Ghent en Belgique), ainsi qu'avec le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment).

 

Comment utiliser les données liées dans un contexte BIM

 

Pour plus d’information, veuillez contacter Ana-Maria Roxin : ana-maria.roxin@u-bourgogne.fr

La photo "Le web sémantique ressemble un peu à un large réseau métropolitain" est tirée du site techcrunch

 

Cet article est une création originale de Mediaconstruct

 

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