Les technologies autour du BIM dans les bâtiments ont atteint maintenant un niveau de maturité suffisant pour que l’on puisse les mettre en œuvre communément, pour autant que l’on sache définir précisément le contenu. Si le développement du BIM dans les infrastructures doit éviter de réinventer la roue, il serait, néanmoins, erroné de penser qu’il suffirait de faire un « copie coller » pour passer de l’un à l’autre. Christophe Castaing, président de l’Infra Room de buildingSMARTqui travaille à la direction de projet BIM chez Egis, vous livre son approche opérationnelle.
Les Infrastructures
Avec les deux définitions suivantes, il est possible d’expliquer les profondes différences :
– Dans MINnD , nous avons repris de Choay et Merlin la définition suivante d’une infrastructure : « Ensemble des installations réalisées au sol ou en souterrain permettant l’exercice des activités humaines à travers l’espace » (Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement).
– la définition de l’ingénierie des systèmes établit que le niveau de complexité d’un projet se mesure aux nombres d’interfaces et d’acteurs.
Alors on comprend que le BIM des infrastructures par rapport au bâtiment n’est pas une simple question d’ouvrages, d’échelles ou d’outils. La part du processus et du collaboratif y sont forcément déterminantes, voir prédominantes. Sur la base de son expérience sur différents projets en France et au Moyen Orient, Egis a comparé début 2015, comment un projet Bâtiment et un projet d’Infrastructure routière pouvaient se comporter par rapport au niveau de maturité 2. On s’aperçoit, que du fait de la nature des ouvrages :
– Dans le bâtiment (Figure 2), les processus s’appuient très fortement sur des objets 3D, assemblés dans des outils métiers , pouvant produire de l’IFC standard, mais avec un degré moindre de maturité sur la partie collaborative, dû au manque de maturité des outils du marché qui ne s’appuie que sur la gestion de fichiers.
– Dans un projet d’Infrastructure (Figure 3), les processus s’appuient sur des modèles plutôt que sur des objets qui ne sont pas nativement implantés dans les outils métiers. Mais, comme les outils collaboratifs s’appuient sur les fichiers, il est possible d’aller assez loin dans la gestion collaborative des modèles et le partage. Cependant, il faut ajouter, que les niveaux de maturité sont très hétérogènes pour les ouvrages des infrastructures et que les standards interopérables sont en cours de développement (OGC) ou d’extension ( IFC alignement, Bridge, etc…)
Cette différence de maturité peut entrainer deux approches différentes du management du BIM dans un projet. L’une privilégiant la notion de livrables (data drop) ou l’une privilégiant le processus :
– Le Data drop permet de se focaliser sur livrables à produire pour chaque phase du projet. L’objectif est de produire un livrable numérique pour la phase suivante. Le cœur du processus est l’outil métier.
– L’autre approche s’organise autour du management de la qualité et de l’approbation. Dans ce cas l’outil principal n’est pas l’outil métier, mais les outils collaboratifs afin de non pas gérer seulement les interfaces internes à l’ouvrage, mais les interfaces externes aux ouvrages et aux systèmes (voir Figure 1)
Il faut comprendre que ces deux approches sont liées aux niveaux de maturité des outils disponibles sur le marché, introduisant des architectures et du management de projet différents. Chercher à réunifier ces deux approches passe par des spécifications en direction des éditeurs de solution et de la standardisation.
The BIM execution plan (convention BIM)
Le “BIM execution Plan” (ou Convention BIM) doit donc être considéré non pas seulement comme un document contractuel essentiel, mais un moment clef de clarification avec les différents partenaires du projet sur les objectifs à se fixer autour du BIM. Il est d’autant plus essentiel sur un projet d’infrastructure que les maturités des outils sont hétérogènes.
La description des « BIM uses » standards, tels que décrits par exemple dans le « Pennstate », sont à profondément revisiter, pour les adapter aux possibilités réelles et pertinentes.
Les aspects du BEP sur lequel il faut s’appuyer et retravailler:
• Le BEP même s’il n’est pas contractuel doit être compris comme un document obligé pour le travail collaboratif. Du fait de la nature hétérogène des outils, il façonne structurellement l’organisation du système d’information, et ce, dés le début.
• Le BEP est un document complète et s’intègre au Plan de management de projet et à son plan qualité: les processus de contrôle avec le BIM sont la base du système qualité. C’est une clef pour obtenir assez rapidement des gains de productivité considérables.
• Le BEP est à la fois un document interne du management de projet, mais aussi le document de communication avec le Client pour définir avec lui, les objectifs raisonnables pour le projet, notamment pour les aspects d’instruction avec les services de l’État. C’est en ce sens que les « BIM uses » typiques sont à retravailler profondément.
Model Review and Project review
Si l’on considère le processus et le collaboratif comme le cœur du sujet, alors l’organisation des revues de modèles et des revues techniques de projet devient l’objet principal dont découlent les processus d’approbation et de soumission des livrables. Deux définitions :
– La revue de modèles sert à vérifier la qualité du modèle : elle sert au contrôle interne des spécialités pour vérifier la bonne gestion des interfaces. Elle fait partie du processus qualité.
– La revue de projet sert à vérifier avec la direction de projet, les écarts entre les exigences du contrat et les contraintes du projet. Elle fait partie du processus de suivi du Contrat.
Dans les deux cas, l’intégration des modèles et l’action collaborative se font en dehors des outils métiers avec des provenances très hétérogènes : logiciels de structure, logiciels d’architecture, logiciels d’infrastructure linéaire, SIG, etc…. Cela exige donc un niveau de partage et de collaboration très élevé pour garantir le niveau de confiance entre les différents partenaires.
Les rôles de BIM manager et BIM coordinateur deviennent primordiaux pour chaque partenaire afin de pouvoir gérer la réelle complexité du projet.
Standardisation et Metadonnées
La possibilité du BIM level 3 pour les projets d’infrastructure nécessite de résoudre les problématiques suivantes:
– Savoir modéliser complètement en objets 3D tout l’environnement d’une infrastructure en incluant les domaines aussi hétérogènes que la géotechnique, l’information géographique, environnementale et les systèmes industriels.
– Le développement des standards d’échanges, en harmonie entre eux.
– La possibilité d’intégrer dans les systèmes d’information collaboratifs la gestion des méta-données liée au processus de management de projet telles que gestion des modifications, versioning, statuts, à tous les stades du cycle de vie.
La perspective anglaise de 2025 semble atteignable dés lors qu’elle est envisagée graduellement et s’appuyant sur une très forte mobilisation du secteur de la construction, non pas seulement pour demander, mais pour investir dans le développement de ces standards.
Retrouvez Christophe Castaing – un des 19 experts qui a participé au Manifeste « Conduire la transformation digitale » publié pour BIM World, qui est aussi le président de comité scientifique et technique de Mediaconstruct- dans 3 conférences à BIM World :
6 avril / 14h – 14h45 : Convergence des technologies SIG, 3D et BIM : état des lieux et perspectives
7 avril / 11h30 – 13h00 : en regard des stratégies nationales, les actions menées par BuildingSMART International et plusieurs chapitres nationaux (Allemange, Canada, Danemark,Espagne,France, Italie)
animation Christophe Castaing, pdt Comité scientifique technique Mediaconstruct
7 avril / 15h-15h45 : BIM et Infrastructures : le projet national MINnd