Le géomètre-expert est un professionnel reconnu de l’aménagement du territoire. Expert technique et juridique, il intervient en amont et en aval de la construction comme conseiller dans la gestion de l’espace et du patrimoine. C’est aujourd’hui au travers de son syndicat, l’UNGE (Union Nationale des Géomètres Experts), que la profession des géomètres-experts souhaite s’impliquer dans la dynamique de promotion et de mise en œuvre de la maquette numérique. Alain Pape, Président d’honneur de l’UNGE.
Expertise : Quel est le positionnement actuel de la profession des géomètres-experts par rapport au BIM ?
Alain Pape : En tant que Président d’honneur de l’UNGE, je pilote un groupe de travail Recherche & Développement. C’est dans ce cadre que la profession souhaite s’impliquer davantage dans la mise en œuvre du BIM. Située en amont de la filière Bâtiment, la profession peut produire, dès l’origine du projet, des informations en 3D et constituer un premier modèle numérique qui sera repris et complété ensuite par les autres acteurs. La valeur ajoutée des géomètres-experts dans le BIM est leur capacité à mesurer avec précision et à savoir juridiquement ce qui est mesuré. Dans un système où l’on doit intégrer des informations une fois que l’on dispose des plans, les géomètres-experts ont un rôle important à jouer.
Expertise : Comment ce rôle se traduit-il concrètement ?
A. P. : Les maîtres d’ouvrage font appel aux géomètres-experts pour réaliser des calculs de surface et vérifier les emprises juridiques de leurs projets. A partir des plans dont ils disposent, ils souhaitent pouvoir accéder à diverses informations, comme le bail d’un local commercial, les charges, la surface louée, etc. Ce sont des informations que les géomètres-experts sont capables de qualifier afin de les disposer au bon endroit dans le modèle numérique et les rendre lisibles par le plus grand nombre. Le géomètre-expert est le seul acteur de la filière Bâtiment à posséder une double casquette, alliant connaissance du terrain et contexte juridique, il est ainsi en mesure de vérifier des informations d’ordre juridique et de les intégrer dans un support graphique, aujourd’hui en 2D, demain en 3D.
Expertise : Qu’en est-il au niveau du bâti ?
A. P. : La vraie problématique du BIM se situe en effet autour de la question de l’existant. Nombreux sont les propriétaires à avoir une connaissance insuffisante de ce qu’ils possèdent. Ils sont en demande de bases de données intelligentes, comportant tout l’historique du bâtiment, tant en termes juridique que technique. Il y a de vraies économies à la clé lorsque l’on connaît parfaitement son patrimoine puisqu’il est plus facile d’anticiper les évolutions à venir. Le géomètre-expert peut aider à intégrer toutes ces informations dans le BIM car il est comme un « hub » dans le domaine de l’immobilier. Il est une sorte de chef d’orchestre connaissant les partitions de tous les acteurs concernés – maire, avocat, notaire, promoteur, architecte – sans les remplacer, et capable de les mettre en musique. Le géomètre-expert peut à mon sens favoriser l’intéropérabilité, et c’est l’un des objectifs du BIM.
Expertise : En quoi l’évolution du métier de géomètre-expert est-elle en faveur du développement du BIM ?
A. P. : La mise en œuvre du BIM peut s’effectuer plus facilement que ce qu’on aurait pu l’imaginer en raison de l’évolution rapide des technologies. Aujourd’hui, le géomètre-expert dispose d’outils 3D permettant de scanner en quelques heures un bâtiment dans son ensemble. A partir de là, son rôle n’est plus seulement la prise d’information sur le terrain (cette partie étant plus simple et beaucoup moins onéreuse qu’auparavant), mais est surtout son exploitation graphique. Désormais, ces informations sont donc très faciles à récupérer en vue de travailler en 3D et non plus en 2D, voire de les intégrer dans une maquette numérique existante. Nous sommes à un virage technologique, permis par le développement d’outils informatiques performants, reste à les adapter au besoin du BIM. Et les géomètres-experts y sont prêts.