Se mettre au BIM ne se limite pas à acquérir de nouveaux outils. Les équipes doivent non seulement se former à l’utilisation technique du BIM mais aussi adopter de nouvelles méthodes de travail. D’autant que le BIM peut réaménager leur champ d’intervention. Habitat 76 a lancé son premier projet BIM en 2012 et n’a cessé d’accompagner ses équipes face au changement qu’il représente. Partage d’expérience de Philippe Cottard, sous-directeur du développement et de la production immobilière.
Le Blog du BIM : Comment Habitat76 s’est-il mis au BIM ?
Philippe Cottard : Au départ c’est un projet d’entreprise stratégique reposant sur la numérisation de la partie technique de l’activité. Habitat 76 a pris conscience de la nécessité de structurer les données de son patrimoine dès 2010. La première étape fut de choisir en 2011 un logiciel de SITP, un système d’information technique pour le patrimoine (Abyla). Jusqu’en 2015, nous avons vectorisé tous nos plans pour constituer la base numérique graphique de notre patrimoine. En parallèle, Habitat 76 a adhéré à Mediaconstruct dès 2010. Et a lancé en 2012, un projet de conception-réalisation-exploitation-maintenance avec une exigence de BIM. Aujourd’hui, nous avons une quinzaine d’opérations entièrement menée en BIM, dont 3 ont déjà été réceptionnées. L’ensemble totalise 800 logements.
Le Blog du BIM : Comment se sont déroulées les premières étapes d’intégration du BIM ?
P.C. : Dès le début, cette démarche a été portée, soutenue par la Direction Générale et a été diffusée progressivement au sein des équipes. Nous avons tout d’abord travaillé avec un Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) qui nous a assistés dans l’analyse des maquettes au niveau des offres des entreprises. Nous fonctionnions alors avec des viewers gratuits. Au vu des résultats intéressants, et notamment le temps gagné en conception et réalisation, nous avons décidé en 2015, de généraliser l’usage du BIM à l’ensemble de nos réalisations. Nous avons renouvelé notre équipement informatique pour un plus performant et investit dans plusieurs logiciels (dont Solibri).
L’objectif de l’intégration du BIM était de faciliter le travail de nos chargés d’opérations : leur rôle d’interface avec les élus, les services de gestion, parfois les locataires, le tout réalisé dans un contexte normatif très complexe. Désormais, le BIM leur permet d’optimiser le temps passé sur leur mission de contrôle et de se concentrer sur les aspects les plus intéressants de leur métier.
Le Blog du BIM : Dans ce contexte, comment avez-vous accompagné vos équipes ?
P.C. : Nous nous sommes vite aperçu qu’il fallait être clair avec les chargés d’opération, les accompagner dans ce changement car le BIM allait devenir central et progressivement irriguer leur cœur de métier. Dès 2015, nous avons donc commencé par leur apporter des formations externes ponctuelles pour leur acculturation au BIM. Puis, toujours la même année, nous avons recruté deux alternants qui étaient en master spécialisés BIM. Ils ont alors participé à la formation en interne des chargés d’opérations.
Sur le plan technique, nous avons veillé à leur donner des outils pour qu’ils puissent travailler simultanément sur le contenant et le contenu de la maquette : contrôle de l’arborescence, présence des espaces, bonnes utilisation des IFC, classification, réalisation de checking, repérage des clashs dans notre zone d’intervention MOA (à un niveau différent de ce que font les BET).
Le Blog du BIM : Et ensuite, avez-vous intégré un spécialiste pour les accompagner ?
P.C. : En effet, en 2016 nous avons décidé de créer un poste de BIM Manager au sein d’Habitat 76. Celui-ci est chargé de diffuser les compétences en interne de manière transversale, c’est-à-dire aussi bien auprès des équipes chargées des constructions que de celles en charge des rénovations de notre patrimoine. Le BIM Manager a permis d’impulser la démarche, de l’animer, de s’assurer de la prise de conscience des chargés d’opérations.
Nous n’avons pas souhaité créer un service BIM à proprement dit. Nous voulions intégrer l’usage du BIM au sein des habitudes de nos équipes. Car selon nous, le BIM est une compétence qui doit se fondre avec le cœur de métier.
Le Blog du BIM : Comment les chargés d’opération ont-ils réagis à ces changements ?
P.C. : Il n’y a pas eu de réticence. Mais il faut noter que nos opérations se déroulent sur des temps longs, puisqu’il y a une maturation de 3 ans en moyenne entre la conception et la réalisation. Cela facilite les choses : chacun a eu le temps d’apprendre et de gagner en précision au cours des premières opérations. L’expérience des équipes continuera de se construire sur le long terme, peut-être sur 5 ou 10 ans. Ils savent qu’ils ont droit à l’erreur et on leur donne les moyens d’apprendre et de se perfectionner. Progressivement, le BIM sera ancré dans leurs habitudes de travail et ils ne pourront plus s’en passer. C’est d’ailleurs déjà le cas pour certains !
Le Blog du BIM : Outre les chargés d’opérations, d’autres équipes ont-elles été accompagnées face au BIM ?
P.C. : : Le BIM a eu des effets collatéraux bénéfiques qui se révèlent de jour en jour, auprès des services de gestion administrative et de la communication. Nous avons des procédures de revue de projet avec les équipes dont la mission est notamment de commercialiser les logements. Lorsque l’on est passé en analyse ergonomie des logements en 3D (BIM), ces équipes administratives comprenaient mieux comment le logement fonctionnait. Nous leur avons donc proposé d’utiliser les viewers gratuits. Ils en ont été ravis car cela leur permet de mieux appréhender le logement. Au niveau de la commercialisation, le BIM a permis de créer des visites virtuelles de logement qui donnent l’opportunité aux candidats locataires de se projeter dans le logement.
Par ailleurs, une partie des données issues du BIM sont reversées directement dans le logiciel Abyla. . Les équipes techniques qui assurent l’entretien courant peuvent également utiliser la maquette du DOE lorsqu’ils ont des interrogations plus précises ou dans le cas d’un contentieux. Eux aussi ont donc reçu une formation, même si moins poussée que celle des chargés d’opération, et ils sont désormais capables de naviguer dans l’arborescence de la maquette pour trouver un logement donné.
Finalement, l’expérience nous a montré ce que le BIM pouvait apporter à telle ou telle équipe et au fur et à mesure, nous faisons en sorte d’apporter les formations correspondant à leurs besoins d’utilisateurs.
Le Blog du BIM : Comment voyez-vous les prochaines étapes côté conduite du changement ?
P.C. : Nous sommes dans une démarche expérimentale, nous découvrons au fur et à mesure et améliorerons nos techniques. Il faudra continuer d’expérimenter, par exemple en réalisant une opération en loi MOP classique. Il s’agira de travailler avec des entreprises et les industriels de façon à prouver que la maquette créée par l’artisan peut être exploitée facilement et qu’elle permette de consulter des catalogues de produits lorsque la norme XP P076150 sera utilisée.