« En quoi consistait le projet de la Cité du vin ?
Dominique THOMASSON : La Cité du Vin à Bordeaux est un centre culturel dédié aux cultures du vin à travers le monde. Dessiné par le cabinet d’architecture X-TU, le bâtiment présente une forme complexe. La ville de Bordeaux a donc lancé un appel d’offre de type dialogue compétitif, afin de consulter les entreprises aptes à répondre aux exigences architecturales et techniques pour les fondations, le gros œuvre, la charpente bois, les menuiseries extérieures et la vêture extérieure. Pour ce macrolot, le groupement d’entreprises se composait de GTM Bâtiment pour le gros œuvre et en tant que mandataire, Arbonis pour la charpente bois, Garrigues pour les menuiseries extérieures, SMAC pour la vêture métallique et Coveris pour la vêture en verre.
Pourquoi avoir utilisé le BIM sur ce projet ?
D.T. : Sur 55 mètres de hauteur, le bâtiment se présente tout en courbes. Si bien que chacun des 900 panneaux de verre de l’habillage est différent, en dimensions comme en caractéristiques. De plus, les vitrages sont tenus par des pattes de maintien, 4500 au total, elles aussi toutes différentes en longueurs et en orientation.
Dans ce contexte complexe, l’intérêt du BIM est évident. Le bâtiment a d’abord été conçu en 3D (sur Rhino 3D) afin de fournir à chaque acteur du projet une même base. Nous avons réalisé notre conception de vêture en verre puis avons fourni nos contraintes au charpentier. Celui-ci les a prises en compte, y a ajouté les siennes et a transmis la maquette au gros œuvre. Les échanges étaient itératifs et GTM bâtiment synthétisait l’ensemble à chaque étape.
Pour la partie vêture en verre, en quoi le BIM a-t-il été utile ?
D.T. : Nous avons exploité le BIM à différentes étapes du projet. En phase de conception pour concevoir l’ouvrage, irréalisable sans ce type d’outils, pour mieux fonctionner ensemble avec les autres membres du lot, mais aussi pour l’étape de manufacture, par exemple.
Chaque patte avec ses propres spécificités, a été conçue à l’aide d’un outil informatique spécifique puis transmis à la maquette BIM et enfin à une machine à commande numérique qui les fabriquait. Ce process a permis de réduire considérablement le risque d’erreur.
Le BIM a été également fort utile lors de la pose de la vêture, une étape qui demande une extrême précision pour garantir la stabilité des panneaux de verre. Afin de vérifier que la charpente était conforme au modèle d’origine, nous avons réalisé un scan 3D de l’ensemble et l’avons intégré à la maquette BIM où nous avons pu comparer les deux. L’écart devait être inférieur à plus ou moins 10 millimètres ! Les charpentiers avaient réussi à relever le défi, notamment grâce à la phase amont où nous nous étions transmis nos contraintes via le BIM.

La maquette nous a aussi été précieuse pour l’implantation des pattes de maintien. Il nous fallait un moyen de repérer où celles-ci devaient être installées sur une forme ne comportant aucun repère traditionnel. Nous avons donc transmis les coordonnées de chaque patte de la maquette à un tachéomètre (outil du géomètre) qui par un système de laser pointait l’endroit exact des pattes. Les équipes de Coveris ont ainsi pu placer chacune avec précision et assurer la réussite de la vêture
Sur le plan technique, cette utilisation du BIM a-t-elle représenté un défi pour vos équipes ?
D.T. : Nous utilisons le BIM régulièrement sur nos projets depuis 7 ans mais généralement en phase de conception seulement. Nous avons récemment dessiné nos ouvrages en 3D pour le siège social de la MatMut de Rouen, afin qu’ils puissent l’utiliser dans le cadre de son modèle 3D.
Mais pour la Cité du vin, c’était en effet un tout autre défi. L’idée était de partir d’un modèle informatique que nous savions fiable et de faire en sorte d’utiliser le BIM jusqu’au bout afin de réaliser un ouvrage aussi précis que le modèle en question. Pour cela, nous sommes partis du besoin et avons défini quelles fonctionnalités du BIM nous seraient nécessaires. Nous avons utilisé Rhino 3D car il nous fallait concevoir un projet en dessin paramétrique (où le dessin est généré par des lignes de programme permettant d’intégrer des contraintes dimensionnelles variables par exemple). Rhino 3D a donc été associé à Grasshoper (module de Rhino) qui permet de générer ce type de dessin. Ainsi, nous sommes partis du support fourni par l’architecte définissant la forme globale et le calepinage, avons dessiné la vêture sur la charpente bois et demandé au programme de dessiner la patte qui relierait ces deux éléments, le verre, les profils, les joints, etc., avec toutes les caractéristiques associées. L’un de nos ingénieurs a passé 18 mois à temps plein sur la programmation. Nous n’avions jamais réalisé ce type de travail. C’était un investissement et un pari… que nous avons relevé avec plaisir. Nous exploitons d’ailleurs déjà ces nouvelles compétences sur un projet à Lyon ! »

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