Pour les bailleurs sociaux, parfaitement connaître son patrimoine est essentiel afin de maîtriser les coûts et réduire les charges des locataires. ICF Habitat a donc décidé non seulement de numériser les données concernant ses 100 000 logements mais aussi de s’engager dans le BIM. Quels sont les bénéfices attendus ? Quelles sont les premières étapes ? Franck Olivéro, directeur Innovation & Process et Jean-Michel Seveste, directeur de l’immobilier témoignent.

Quelle a été la première étape d’ICF Habitat avant de se lancer sur la route du BIM ?
Jean-Michel Seveste : Nous disposons d’un patrimoine important qu’il nous faut gérer. Aussi avons-nous commencé, il y a presque 10 ans, par numériser les plans des 100 000 logements qui le composent. Nous en sommes déjà à 70% qui sont intégrés dans notre outil de gestion de patrimoine Abyla.
Franck Olivéro : Et cette année, nous avons décidé d’accélérer le processus avec un challenge : celui de numériser les 20 000 plans de logements restants en 18 mois, donc peu ou prou d’ici fin 2018. En parallèle, nous débutons progressivement notre démarche d’intégration du BIM et des IFC afin de pouvoir échanger de manière interopérable avec nos prestataires et partenaires.

Quels bénéfices attendez-vous du BIM ?
F.O. : Nous souhaitons avoir un système d’information qui nous permette de travailler de manière interopérable avec les constructeurs. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons opté pour les IFC. Pour les opérations de réhabilitation, nous pourrons puiser les données techniques utiles au sein de notre outil de gestion de patrimoine et les transmettre aux entreprises. Par exemple, elles auront directement les informations sur les surfaces et pourront émettre un devis sans avoir à se déplacer. Ensuite, la base de données patrimoniale pourra être mise à jour et enrichie au fur et à mesure de la réalisation des travaux.
J-M.S. : Le BIM nous sera également fort utile dans le cadre de la construction de nouveaux logements. Nous avons pu constater à quel point il était difficile de gérer une aussi grande quantité de données. Pour toutes les futures constructions, nous récolterons donc dès le départ les données utiles au sein de notre système de gestion patrimonial, grâce aux maquettes BIM des architectes. Cela nous permettra d’avoir accès à l’information immédiatement et de ne pas perdre de temps.
Nous espérons aussi pouvoir optimiser les bâtiments afin d’en réduire les charges et d’ainsi alléger celles de nos locataires.

Quels types de données souhaitez-vous pouvoir tirer du BIM ?
J-M.S. : La maquette BIM pouvant contenir un nombre quasi infini de données, il est essentiel pour nous de définir de quelles informations nous aurons besoin. Il s’agira notamment des surfaces, des références des composants du logement, de la géolocalisation et des informations précises sur des équipements nécessitant des entretiens, etc. Le périmètre est assez réduit par rapport à ce que peut proposer le BIM. Pour autant, nous ne souhaitons pas appauvrir l’information liée aux nouveaux logements notamment. Outre ces éléments, nous avons donc le projet d’intégrer dans notre système de gestion, des liens vers les maquettes numériques complètes. Ainsi, s’il s’avérait que nous avions besoin d’autres informations, nous les aurons à disposition. Dans cette optique, des développements techniques de notre outil actuel sont en cours. Et in fine, nous espérons pouvoir échanger des données en IFC avec les maquettes BIM de nos prestataires.

Comment comptez-vous indiquer vos exigences à vos prestataires ?
F.O. : Nous démarrons fin avril un groupe de travail en charge de rédiger une charte BIM-IFC. Pour ce travail, nous nous basons sur les résultats d’expérimentations menées avec deux constructeurs prestataires qui sont déjà BIM ready, Bouygues et Eiffage. Le groupe de travail se composera de représentants de chaque filiale afin de bien répondre aux besoins de chacun. Les membres bénéficieront de deux jours d’initiation au BIM. Puis ceux qui seront en charge des projets BIM recevront une formation de BIM Manager. Destinée à nos équipes, cette charte précisera ce que nous devrons demander à nos interlocuteurs mais aussi sous quelle forme. Non seulement, il est essentiel que la codification des informations soit compatible avec nos outils, mais nous souhaitons aussi travailler de manière interopérable aussi bien au niveau national qu’international. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà décidé que nous exigerons un rendu des données en IFC, un format reconnu Norme ISO 16739.
J-M.S : Une fois cette charte rédigée, nous entamerons la rédaction des éléments qui seront communiqués aux entreprises prestataires. Le Cahier des charges explicitera ainsi ce qu’il leur faudra fournir dans les DOE. Nous testerons ensuite la charte sur de grands projets, et notamment la réhabilitation d’un foyer à Paris.
Une fois toutes ces premières phases achevées, nous nous pencherons peut-être sur les qualifications en BIM de nos prestataires.

Un groupe de travail de Mediaconstruct se consacre actuellement à la mise en place d’un système de classification, cela pourrait-il vous être utile ?
JMS : Pour des bailleurs sociaux comme nous, il est d’autant plus important de pouvoir prévoir le volume de travaux. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place un outil qui nous indique notamment la date de création d’un composant mais surtout sa durée de vie et son prix de remplacement. Le système de classification aiderait à définir plus précisément ces prix.
F.O : Aujourd’hui, nous pouvons obtenir des vues des composants par patrimoine. Mais il serait intéressant d’avoir des vues par classe. Nous serions ainsi en mesure de centraliser les achats d’un même composant et ainsi de faire des économies.

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