« Blog du BIM : Comment s’est déroulé le projet de construction du siège de CCA en BIM ?
Juliette Léard : Tout a été mené en BIM de la conception à l’exécution sur tous les corps d’état. Le projet n’a pas toujours été exemplaire. Nous avons fait face à diverses surprises mais celles-ci se sont révélées instructives. A chaque étape les équipes ont pu monter en compétence.
Aujourd’hui, nous capitalisons sur les acquis de ce projet pilote pour mener la rénovation en full BIM d’un autre bâtiment (le Chai). Certains aspects sont similaires pour la maîtrise d’ouvrage : les objectifs en termes d’exploitation, le LOD et le LOI. D’autres diffèrent. Pour la construction neuve, nous étions en entreprise générale donc la mission du BIM Manager était rattachée à l’entreprise générale, tandis que pour la rénovation du Chai, nous somme en corps d’état séparé et il est donc rattaché au maître d’ouvrage. Autre différence : pour le Chai, il nous a fallu réaliser un scan 3D avec nuages de points du bâtiment existant.
En résumé, il ne s’agit pas de copier-coller le process d’un projet sur l’autre, il faut l’ajuster. Mais nous connaissons désormais bien mieux les étapes clés à ne pas oublier.
Blog du BIM : Quelle leçon avez-vous retenu de cette expérience ?
Emilienne Poutot, Directrice commerciale de GR BIM : Le BIM est avant tout une collaboration de plusieurs acteurs. Plus celle-ci est qualitative, mieux le projet se porte et plus on y gagne. Le travail de mise au point réalisé en amont avec l’équipe de maîtrise d’ouvrage, l’exploitant mandaté par le CCA et nous-même en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage, a été profitable à la mise en place du projet et à sa pérennité.
J. Léard : Il faut noter qu’en full BIM, l’implication de l’exploitant est à prévoir dès les phases amonts. Il faut constamment veiller à la correspondance entre le bâtiment réel et celui virtuel. Lors du chantier, nous avons par exemple réalisé un scan 3D des faux plafonds afin de vérifier que le passage des réseaux serait bien possible. Un autre élément à anticiper est le stockage de la maquette.
Blog du BIM : Sur ce sujet du stockage, comment avez-vous procédé ?
J. Léard : Pour la phase exploitation, la maquette numérique peut soit être stockée en interne, soit en externe. Pour des raisons de sécurité liée à notre cœur de métier, le Crédit Agricole d’Aquitaine a opté pour un stockage au sein de nos serveurs en interne. L’exploitant que nous avons mandaté pour assurer la maintenance de la maquette devant toutefois pouvoir y accéder, nous avons placé la maquette dans une baie informatique à part, dédiée à la gestion de nos bâtiments. Nous pouvons ainsi sécuriser la donnée patrimoniale, et en contrôler l’accès.
Jean-Baptiste Coutanceau, président de GR BIM : Il est également possible de stocker sa maquette en externe. Certains maîtres d’ouvrage nous confient d’ailleurs cette tâche. Transmise en format natif logiciel, elle est alors stockée en France sur un serveur soumis à loi RGPD, car une maquette peut contenir des données personnelles (contrats de location, assurances des locataires par exemple).
Blog du BIM : Traiter du sujet du stockage en amont était-il essentiel ?
J.B. Coutanceau : Le BIM comprend une modélisation 3D, des informations, mais aussi des liens URL vers des fichiers associés ou des logiciels de maintenance, hébergés hors maquette. Il est important que ces connexions soient pérennes. C’est donc un élément à prendre en compte lorsque l’on traite du stockage.
J. Léard : En effet. L’AMO BIM, le BIM manager, l’exploitant et nous-même (maître d’ouvrage) nous sommes réunis pour déterminer ensemble les chemins d’accès aux données techniques dès les phases amont. Or si nous n’avions pas réglé la question du stockage avant, nous aurions probablement dû recréer tous ces liens lors de la migration de la maquette sur nos serveurs. Anticiper le stockage nous a donc fait gagner du temps !
Blog du BIM : Quelles mesures sont prises pour assurer la lisibilité des données sur la durée ?
J. Léard : Nos maquettes BIM sont stockées sur un serveur dédié hébergé en France. Pour une meilleure performance, nous avons multiplié les bornes FEMTO qui permettent une connexion en 4G, la plus fiable et rapide possible.
J.B. Coutanceau : La maquette est stockée sous format natif logiciel qui va évoluer à chaque mise à jour. De plus, certains éléments sont aussi en IFC pour des cas d’échanges entre logiciels. Mais les IFC n’étant pas encore exhaustifs dans la transmission d’informations, il faut combiner les deux.
J. Léard : Les formats évoluent vite. C’est pourquoi, le contrat de l’exploitant l’oblige à nous livrer en 2023 la maquette dans un format natif à jour. Il doit réaliser des mises à jour, mais en tant que maître d’ouvrage il est important de penser à l’exiger.
Blog du BIM : Une version de la maquette est-elle archivée ?
J. Léard : Tout à fait. La version stockée à laquelle l’exploitant accède est une version allégée qui sera mise à jour régulièrement. En revanche, l’entreprise générale nous fournit une maquette numérique DOE, c’est-à-dire quatre maquettes : structure, architecture, CVC Plomberie, électricité CFO CFA. Celle-ci est archivée en l’état pendant les 40 prochaines années. Il est important de la conserver notamment pour les prochaines phases de restructuration et de déconstruction du bâtiment. Les informations sur le ferraillage par exemple seront également utiles pour le tri des déchets.
Blog du BIM : Pour le stockage comme l’archivage, quelles mesures permettent d’assurer la traçabilité de la maquette ?
J. Léard : Pour la maquette stockée, nous avons mis en place un process de vérification assez simple : chaque fois que l’exploitant met à jour les données techniques ou géométriques, il doit notifier des changements dans un rapport. Ce rapport nous est présenté tous les trimestres. Nous pouvons ainsi nous assurer du versionning de la maquette. Il est important que le maître d’ouvrage instaure une mécanique rigoureuse pour vérifier que la maquette numérique est le reflet du bâti exploité.
J.B. Coutanceau : Concernant l’archivage, certains logiciels permettent de tracer de manière automatique toute modification ainsi que l’ordinateur d’où elle a été effectuée. Toutefois pour identifier l’auteur, il faudrait que chacun joue réellement le jeu en utilisant une session informatique identifiée, ce qui n’est pas toujours le cas à l’heure actuelle. La traçabilité est donc encore un peu fragile mais cela aura sûrement évolué d’ici deux ans. »
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